Le 12 octobre 1860, naissance d'Emile POUGET dit "Le Père Peinard" à Pont-de- Salars dans l'Aveyron.
E Pouget était la figure la plus étonnante, la plus curieuse au temps héroïque du mouvement syndicaliste français, mais à l’heure de sa mort, combattant révolutionnaire était déjà oublié.
Son souvenir évoque dans la mémoire de ses contemporains sa culture, son audace et ses qualités combatives.
Bien que sa philosophie anarchiste se différenciât de la conception démocratique du syndicalisme, par sa valeur individuelle il contribua à l’édification des organisations syndicales et au développement de la Confédération Générale du Travail. pendant trente années, il se consacra au syndicalisme.
C’est à la suite de la mort prématurée de son père que Pouget vint à Paris. À 15 ans il dut interrompre ses études et travailler dans un magasin de nouveauté.
Né pour le combat, il se mêla avec enthousiasme aux mouvements ouvriers et sa vie de militant commença par l’organisation du syndicat des employés de commerce.
À 20 ans, il est l’animateur passionné du nouveau syndicat qui, en 1880, dépose son premier cahier de revendications. Cinquante ans plus tard il peut dire avec fierté : « Presque tout ce que nous avons réclamé a été réalisé. »
En 1883, il dirige la manifestation des chômeurs devant l’esplanade des Invalides, mais accusé de complot contre la Sûreté de l’État et tenu pour responsable d’un prétendu pillage dans une boulangerie parisienne par des ouvriers affamés, il est condamné à huit ans de réclusion.
L’emprisonnement ne brise pas son élan révolutionnaire qui, au contraire, s’affirme.
Libéré, Pouget publie un pamphlet Le Père Peinard, dont le langage argotique et les pointes sarcastiques exercent sur l’état d’esprit des travailleurs une influence considérable au point d’engendrer une agitation imprévue contre la bourgeoisie capitaliste. Encore une fois, Pouget est persécuté par le gouvernement qui vote les « lois scélérates ».
Par surcroît, il est impliqué dans l’affaire des Trente, et pour éviter d’être incarcéré, il s’exile à Londres, d’où il continue de publier Le Père Peinard qui, d’Angleterre envoie ses rayons d’espoir et d’encouragement aux ouvriers : « Le jour où, assez marioles, écrit Le Père Peinard, y aura une tripotée de bon bougres qui commenceront le chabanais dans le sens, eh bien ! foi de Père Peinard, le commencement de la fin sera arrivé ».
Quand Pouget revint de son exil londonien, la Confédération Générale du Travail était en pleine évolution.
Il fait de la propagande afin de faire connaître les thèses syndicalistes. Delessale disait que Pouget possédait à fond la science de la propagande. Il mena une bataille inlassable avec Griffuelhes contre le bureau de placement, pour l’institution du congé hebdomadaire et la journée de huit heures.
Secrétaire de la CGT, lui représente la tendance extrême du syndicalisme, qui n’est cependant ni spéculative, ni métaphysique, mais nettement prolétarienne, sa doctrine ayant pour but de détruire les formes de la société capitaliste, et de construire une société fondée sur l’égalité des droits, la liberté morale et l’aide mutuelle.
Sous son impulsion, paraît le 1er décembre 1900, La Voix du Peuple, organe de la CGT.
La création de ce quotidien est son œuvre qu’il dirigera pendant huit ans, seul moyen de donner aux ouvriers une éducation syndicaliste.
La Charte d’Amiens qui contient les fondements du syndicalisme moderne est aussi en partie son œuvre. De 1896 à 1907, son influence est déterminante sur les Congrès de la CGT. Ses nombreuses interventions, ses rapports, son travail assidu dans les commissions font preuve de sa grande activité.
Après le tragique massacre de Draveil et de Villeneuve-Saint-Georges, il est de nouveau condamné et enfermé dans la prison de Corbeil.
À sa libération, La Voix du Peuple cesse de paraître faute d’argent. Plus tard, il lance un nouveau journal : La Révolution prolétarienne en collaboration avec Griffuelhes et Monatte, mais qui périclite pour les mêmes raisons. Déçu et découragé, après tant d’années d’efforts et de luttes, Pouget se retire de la vie militante sans jamais renier un instant son idéal syndicaliste.
Il avait rêvé que « le régime de la loi serait remplacé par le régime de libres contrats où la production capitaliste serait substituée par le fédéralisme économique et réalisé par la cohésion des groupement de production qui assurerait à l’être humain le maximum de bien-être et de liberté. »
Pouget était modeste loyal et sincère. « Un admirable lutteur de la classe ouvrière, comme disait Delessale, pour qui il a donné le meilleur de lui-même. »
Article de Théodore Beregi paru dans Force Ouvrière n°83, le jeudi 31 juillet 1947.
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