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La Bataille continue - Le Blog-note InFOrmatif - Un blog d'actualités sociales, juridiques et syndicales pour communiquer, faire connaître et partager nos expériences au service des salariés de la grande distribution et du commerce. En général faire valoir les positions syndicales de FO sur l'actualité sociale, tant Française qu'Internationale.
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Lorsque, le 13 novembre 1995, Force Ouvrière réunit à Paris son Comité confédéral national (CCN), on est loin de tout connaître de ce qui sera annoncé deux jours plus tard sous le nom désormais fameux de « plan Juppé ».
Cependant, les responsables des fédérations et des unions départementales de FO sont suffisamment avertis des dangers pour décider la grève interprofessionnelle.
La date est arrêtée : ce sera le 28 novembre 1995.
Le 30 octobre, déjà, s’étaient réunies les cinq confédérations syndicales FO, CGT, CFDT, CFTC et CGC ainsi que la FEN, la FSU et l’UNSA.
FO rappelle alors ses positions, sur le financement -par les salaires- et sur la clarification des comptes et la gestion paritaire de l’assurance-maladie. Une déclaration commune est adoptée afin d’acter la volonté des syndicats de défendre la Sécu, même si les positions des uns et des autres sont loin d’être identiques.
La suite montrera que la signature de la CFDT, par exemple, donnera encore plus d’éclat à son spectaculaire revirement, lorsque Nicole Notat apporta son soutien au plan Juppé.
Les salariés vont avoir l’occasion de se battre, comme le 10 octobre les fonctionnaires l’ont fait, à l’appel de l’ensemble des organisations syndicales. Contre la volonté du gouvernement de geler les traitements et les menaces qui pèsent sur les retraites. Ce jour-là, on enregistre une moyenne de 70% de grévistes et quelque 50 000 fonctionnaires descendent dans la rue à Paris. Un mois plus tard, le 14 novembre, à l’appel de FO, des dizaines de milliers de salariés manifestent pour la Sécu, dans la capitale et devant les préfectures de nombreuses villes de France.
Le lendemain, le Premier ministre obtient la confiance du Parlement sur son plan, véritable traitement de choc : création du « RDS » (remboursement de la dette sociale), un impôt supplémentaire de 0,5% prélevé à la source ; remise en cause des régimes spéciaux ; rationnement des soins ; réforme des mécanismes de gestion des caisses par laquelle le Parlement s’appropriérait. La volonté de fiscaler et d’étatiser la Sécu est bel et bien confirmée.
Le soir de l’intervention de M. Alain Juppé à l’Assemblée nationale, les principaux leaders des confédérations syndicales se retrouvent à l’émission télévisée « La marche du siècle ».
Marc Blondel dénonce la réforme : « c’est la plus grande opération de rapt de l’histoire de la République », il annonce la grève interprofessionnelle du 28.
Louis Viannet, Secrétaire général de la CGT, qualifiant le plan Juppé d’« inacceptable », engage son organisation pour le 28. Pour faire volte-face le lendemain.
Quant à Nicole Notat, Secrétaire générale de la CFDT, elle crée la surprise en lançant qu’elle approuve les grandes lignes dudit plan. On assiste alors à toute une série de manoeuvres où CGT et CFDT tentent de restreindre l’opposition au plan Juppé à des tractations traditionnelles avec le gouvernement. Mais l’attaque du Premier ministre dépasse ce cadre habituel.
FO l’a compris et il y aura plus de deux millions de manifestants.
FO a depuis longtemps prévenu les gouvernements : touchez à la laïcité, au SMIC ou à la Sécu et vous aurez des centaines de milliers de salariés dans la rue.
Fin 1993, M. François Bayrou, déjà ministre de l’Education nationale, parle d’abroger l’article de la loi Falloux, qui limite le financement public des écoles privées ; le 16 janvier 1994, il a plus d’un million de manifestants à Paris et il recule.
Quelques semaines plus tard, M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, promulgue un décret qui crée le fameux CIP (contrat d’insertion professionnelle). Immédiatement, FO caractérise le CIP de SMIC-jeunes et appelle à la mobilisation. Pendant plusieurs semaines, des centaines de milliers d’étudiants et de lycéens manifesteront dans toute la France, soutenus par les organisations syndicales de salariés.
Devant l’ampleur du mouvement, le gouvernement retire son décret. S’agissant de la Sécu, FO a pris date dès le 29 janvier 1995, lors du meeting de Bercy.
Devant plus de 13 000 participants, Marc Blondel lance : « La défense de la Sécurité sociale mérite une grève générale interprofessionnelle. »
Tout s’est cristallisé le mardi 28 novembre.
Ce jour-là, environ 60 000 salariés manifestent à Paris à l’appel de FO et de la CGT. Marc Blondel, après avoir serré la main de Louis Viannet, prend la tête des quelque 35 000 manifestants regroupés sous les banderoles de FO. Ce jour-là aussi, le trafic SNCF est quasiment nul. Il n’y a ni bus ni métro à Paris. Dès lors, les manifestations se répèteront, à Paris et dans la plupart des villes de province, de plus en plus puissantes, et les cheminots comme les agents de la RATP s’installeront dans la grève. Celle-ci se généralise.
En plus de la réforme Juppé, à la SNCF on se bat contre le contrat de plan qui remet en cause aussi bien le statut des agents que le service public.
Électriciens et gaziers sont en grève contre la privatisation et la déréglementation d’EDF-GDF. Le 30 novembre, sur 130 établissements, la moitié des centres de tri postaux sont en grève et le mouvement s’amplifie à France Télécom.
Le même jour, à l’issue d’une réunion à la Bourse du Travail à Paris, les fédérations de fonctionnaires FO, CGT, FSU et UNSA appellent à la généralisation de la grève. Les métallos entrent dans l’action avec des débrayages, notamment à Renault, à GEC-Alsthom, à l’Aérospatiale.
Le 2 décembre, la Commission exécutive de FO appelle à la poursuite de l’action pour le retrait du plan Juppé.
Dans toute la France, on défile le 5, puis le 7 décembre et le chiffre de un million cinq cent mille manifestants est atteint. La province, déjà, bat tous les records et les commentateurs notent que l’on n’avait jamais vu cela depuis 1968 : 100 000 à Marseille, 70 000 à Bordeaux, 50 000 à Toulouse, 30 000 à Montpellier. Profs et étudiants, en grève depuis des semaines, et qui ont manifesté, seuls et à plusieurs reprises, pour exiger davantage de moyens et la création de postes d’enseignants et de IATOS (non enseignants), rejoignent les salariés.
Le 10, invité de France 2, le Premier ministre annonce qu’il suspend la commission Le Vert sur les régimes spéciaux de retraite, c’est un premier recul. Le 11, les cheminots en sont à leur dix-huitième jour de grève et les agents de la RATP à leur quinzième. Dans plusieurs villes de France, les transports en commun sont paralysés.
C’est le moment que choisit Nicole Notat pour écrire au Premier ministre et lui suggérer l’application d’un service minimum de transports, qui devrait « être le résultat d’une négociation dans les entreprises concernées ».
M. Jean Bergougnoux, encore président de la SNCF, répond que c’est impossible. Le monde à l’envers...
Le 12 décembre, à l’appel de FO, la CGT, la FSU et quelques organisations CFDT, une véritable lame de fond submerge la France, apportant la preuve que le plan Juppé est refusé par tout un peuple. Plus de 200 000 manifestants à Paris, 120 000 à Marseille, 70 000 à Bordeaux et Grenoble, 50 000 à Nîmes, 35 000 à Limoges, 30 000 à Perpignan, 25 000 à Toulon, Bayonne et Poitiers. La Corse est là avec 8 000 personnes dans les rues de Bastia et 5 000 à Ajaccio. Les petites villes se mobilisent : 15 000 à Agen et Albi, 12 000 à Carcassonne, Montauban et Tarbes, 10 000 à Auch et Evreux. Il y a 50% de grévistes à EDF-GDF.
Les Arsenaux entament leur dixième jour de grève. Pendant la semaine, les débrayages se multiplient à l’Equipement.
Le 15, les salariés des organismes sociaux se rassemblent devant les préfectures en province et devant le siège de leur direction à Paris. A la SNCF, le gouvernement recule sur le contrat de plan, « gelé et remis à plat » et les retraites, mais les cheminots restent mobilisés par solidarité. Même situation à la RATP.
S’agissant du Code des pensions des fonctionnaires, le ministre de la Fonction publique a beau affirmer que « le projet est abandonné », des zones d’ombre demeurent et la mobilisation se poursuit.
Le samedi 16 décembre, à l’appel des mêmes organisations syndicales, c’est la foule des grands jours : plus de deux millions de manifestants dans toute la France, les salariés du privé ayant pu descendre dans la rue. Le lendemain à 7 sur 7, M. Alain Juppé annonce son intention de réunir un « sommet sur l’emploi » le 21 décembre, en indiquant qu’il veut limiter son propos à la croissance et au chômage.
« Un peu surréaliste », rétorque Marc Blondel, qui rappelle au Premier ministre que les grèves et les manifestations ont surtout concerné son plan de réforme de la Sécurité sociale.
FO souligne « qu’aucun conflit ne se résout correctement sans une véritable négociation » et, prenant acte des reculs du gouvernement sur les régimes spéciaux, demande une négociation globale.
Le CNPF n’est pas chaud pour participer au sommet. Le 18 décembre, dans un communiqué, il fait savoir qu’il exige que « toute question concernant les salaires soit exclue du débat. »
M. Jean Gandois en profite pour rappeler que son rôle est de défendre les entreprises et non l’intérêt général.
Le 21 se tient le sommet « pour l’emploi », dit encore sommet « social ». Il durera dix heures.
Comme le souligne Marc Blondel en sortant de Matignon : « les conclusions ne sont pas de nature à calmer les esprits. »
Pour Louis Viannet, « le sommet a accouché d’une souris ».
Quant à M. Gandois, il le qualifie non sans cynisme de « Noël de pauvre. »
Il reste deux satisfaits : le Premier ministre et Nicole Notat.
Le premier, parce qu’il croit pouvoir affirmer qu’il a renoué avec le « dialogue social », même si son relevé de conclusions n’a été signé par personne.
La seconde pour voir un « cap franchi pour de nouvelles et vraies embauches pour les jeunes » et la « généralisation de la réduction du temps de travail dans la Fonction publique et les entreprises publiques. »
Pourtant, sur ces deux points, rien de neuf n’est sorti du sommet.
Pour l’emploi des jeunes, M. Alain Juppé, considérant comme ses prédécesseurs que l’entrée dans la vie active est un problème d’ »insertion », renforce les dispositifs d’alternance.
Sur la durée du travail, le relevé de conclusions se contente de renvoyer aux derniers accords interprofessionnels conclus.
FO retient surtout le refus du gouvernement d’aborder les problèmes les plus importants.
« Pas d’augmentation du SMIC, pas d’augmentation des minima sociaux, pas d’augmentation de l’allocation spécifique de solidarité », note Marc Blondel, qui fustige un texte dont aucune disposition « n’a d’effet sur les salaires et sur les revenus des gens ».
Alors la croissance et l’emploi ?
La seule idée nouvelle de M. Alain Juppé est de libérer l’épargne pour relancer la consommation. « Ils demandent du pain ? Qu’on leur donne de la brioche », disait en son temps Marie-Antoinette. De l’épargne, encore faut-il en avoir ! Et si des salariés ont une tirelire, c’est parce qu’ils sont inquiets ; ils ne la casseront sûrement pas pour faire plaisir au Premier ministre.
On approche des fêtes de fin d’année. Forts d’avoir obtenu satisfaction sur les retraites et le contrat de plan, les cheminots ont suspendu leur mouvement de grève, les agents de la RATP également. Mais la détermination reste intacte, que les salariés votent la poursuite de la grève ou qu’ils choisissent d’interrompre leur action.
Les 24 et 31 décembre, postiers du centre de tri de Caen et traminots marseillais, en grève, réveillonnent sur place avec des victuailles de circonstance -huitres et champagne- déposées par des anonymes qui les soutiennent. Les premiers, qui auront tenu pendant trente-deux jours, se battent contre la précarité des emplois contractuels. Quand aux traminots marseillais, après plus d’un mois d’un conflit très dur, ils gagnent sur toute la ligne.
Le 9 janvier 1996, les syndicats de la Régie des transports de Marseille (RTM) signent le protocole d’accord mettant fin au conflit et obtiennent un statut identique pour tous les salariés et le relèvement des bas salaires.
Le syndicat FO, qui le premier a lancé la grève, sort renforcé : cent cinquante nouvelles adhésions.
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Le syndicat FO, qui le premier a lancé la grève, sort renforcé : cent cinquante nouvelles adhésions.