Son action lors de la Commune et son engagement sous la IIIe République firent de Louise Michel une personnalité marquante. Son souvenir ne devrait pas être près de s’éteindre en tout syndicaliste responsable, même si les médias en général ne font guère cas du centième anniversaire de sa mort, le 9 janvier 1905 à Marseille.
Appelée la Vierge rouge, elle a symbolisé l’émancipation du prolétariat. Son patronyme prestigieux reste pour toujours une figure de légende grâce à son âpre combat durant la Commune de paris en 1871. Tutoyant la mort, elle brava l’autorité avec un courage clairvoyant pour le succès de la justice sociale.
Aussi, c’est dans les moments les plus tragiques de l’histoire des travailleurs français que Louise Michel révéla ses qualités uniques –de vaillance, de désintéressement–, qui consacrent une personnalité attrayante et singulière à la fois. La profondeur de ses convictions, son ardeur et sa conscience en font à coup sûr l’une des femmes révolutionnaires les plus illustres du mouvement ouvrier du XIXe siècle.
Au château de Vroncourt (Haute-Marne), une jeune servante, Marianne Michel, met au monde, le 29 mai 1830, Clémence Louise, l’enfant que le maître des lieux lui a fait, illégitimement bien sûr. Le père, avocat au Parlement, est bon et politiquement progressiste et humaniste.
Paradoxalement, son épouse, une forte en thème, ne lui tient pas rigueur de ses amours ancillaires. La petite Louise est entourée affectueusement, appelle l’un et l’autre grand-père et grand-mère. Ainsi, Louise est élevée dans le culte des philosophes des Lumières. Voltaire et Diderot font d’elle une athée et une matérialiste, Rousseau une libertaire éprise de justice. Elle devient institutrice libre, refusant de prêter serment à l’Empire, puis monte à Paris. Elle apparaît dès lors comme une idéaliste passionnée, poète, rêvant de la révolution sociale. Bâtarde, elle garde une très vive conscience de l’aliénation de la femme : « Esclave est le prolétaire, esclave entre tous est la femme du prolétaire. »
Des idées, Louise passe à l’action comme membre du comité de vigilance, dont le but était de sauvegarder la République. Puis, comme orateur, elle exerce sur les masses ouvrières une réelle influence par une parole simple et chaleureuse.
Le 22 janvier 1871, elle participe à la Commune arme à la main, en uniforme, elle sert comme ambulancière avec un mépris entier du danger et de la mort. Après l’écrasement sanglant organisé par Thiers et les Versaillais, elle est condamnée à huit ans de prison dont six de déportation en Nouvelle-Calédonie.
À son retour, elle s’affirme anarchiste, rejetant toute forme d’autorité et de servitude humaine. Elle œuvre pour la réalisation d’une société où la liberté individuelle et la dignité des personnes seraient respectées. De conférences en manifestations interdites, de 1880 jusqu’à sa mort, elle est emprisonnée à cinq reprises.
Laissons Victor Hugo lui rendre hommage :
Et ceux qui comme moi te savent incapable
De tout ce qui n’est pas héroïsme et vertu.
Qui savent que si l’on te disait : « D’où viens-tu ? »
Tu répondrais : « Je viens de la nuit où l’on souffre :
Oui, je suis du devoir dont vous faites un gouffre ! »
Ceux qui savent tes vers mystérieux et doux.
Tes jours, tes nuits, tes soins, tes pleurs donnés à tous.
Ton oubli de toi-même à secourir les autres.*
Sachons enfin que c’est à Louise Michel que Jean-Baptiste Clément a dédié Le Temps des cerises, le 28 mai 1871.
*Viro Major, décembre 1871, extraits.
Article de Gérard Mazuir, paru dans FO Hebdo n°2700.