Le volailler breton Tilly-Sabco vient de faire une demande de cessation de paiement avec poursuite d’activité pour deux mois supplémentaires. Pourtant, l’entreprise a des clients et du potentiel.
Pour Nadine Hourmant, déléguée syndicale centrale FO Doux : « Ce nouvel échec industriel est le signe que le massacre social dans l’agroalimentaire breton se poursuit. Des centaines de salariés vont encore se retrouver sur le carreau. » Malgré les demandes réitérées de la FGTA-FO pour qu’une réorganisation de la filière avicole bretonne soit mise en place, rien ne s’arrange et les promesses des pouvoirs publics semblent plus vaines que jamais.
À quand une réaction ?
Tilly-Sabco en difficulté depuis 2013
Les quelques 340 salariés de l'abattoir breton Tilly-Sabco sont effondrés.
A l'issue d'un Comité central d'entreprise qui se déroulait ce lundi matin au siège de l'entreprise à Guerlesquin (Finistère), le PDG du volailler en difficulté, Daniel Sauvaget, leur a annoncé qu'il était «contraint d'effectuer une déclaration de cessation de paiement auprès du tribunal de commerce de Brest».
«Compte tenu que nous n'avons pas pu conduire à son terme le plan de continuation en cours, (j'ai indiqué) que nous passerions directement en procédure de liquidation et que je sollicitais du tribunal de commerce de Brest une poursuite d'activité pour permettre l'émergence de projets de reprise les plus aboutis qui permettent de sauver le maximum d'emplois sur le site», a-t-il ajouté.
Daniel Sauvaget a toutefois précisé dans un communiqué qu'il sollicitait une poursuite d'activité «grâce au soutien de son principal client saoudien, le groupe Abbar».
En plus des 340 employés, le volailler génère un millier d'emplois induits.
Les larmes et la colère des salariés
«On nous a annoncé le dépôt de bilan. Où aller chercher du boulot maintenant puisqu'il n'y en a plus ici?», lâche, en larmes, Didier Coant, 55 ans, au sortir de la réunion. Depuis 20 ans chez Tilly, dernièrement au «quai d'accrochage», cet ouvrier dont la mère a fait toute sa carrière chez Tilly est effondré.
«Si nous on ferme, tous les commerces environnants vont en pâtir. J'aurais aimé finir ma carrière dignement. C'est pas facile à 55 ans».
«J'aurais aimé finir en beauté et pas comme ça, dit aussi Jean-Yves, un éleveur travaillant exclusivement pour Tilly et qui craint lui aussi le dépôt de bilan. «Notre travail, c'est toute notre vie. On n'a pas de perspectives, mais vous savez, quand on pousse les gens à bout, vous voyez ce que ça donne», lance Corinne Nicole, la déléguée CGT du groupe, évoquant sans le dire la violente manifestation des producteurs de légumes dans la ville voisine de Morlaix vendredi soir.
Si ça ferme, «qu'est ce qui nous restera ? On n'a que ça. Que voulez-vous qu'on fasse? Forcément qu'on va se battre, on va aller jusqu'au bout, on n'a plus rien à perdre. A force on va tous sortir les crocs», assure Jean-Paul Mazé, éleveur finistérien pour Tilly.
Les difficultés de Tilly-Sabco, dont 80% de la production était destinée au Moyen-Orient, principalement à la péninsule arabique, remontent à la suppression en 2013 des aides européennes à l'exportation pour les poulets congelés (les restitutions), qui soutenaient la filière à hauteur de 55 millions d'euros par an. Les deux groupes français Doux - lui-même touché ces deux dernières années par de graves difficultés - et Tilly-Sabco, étaient les derniers en Europe à toucher ces subventions, qui leur permettaient de supporter le différentiel de compétitivité avec le Brésil, leur principal concurrent.
Malgré les 15 millions d'euros dégagés par la France fin 2013 pour aider la filière, les difficultés de Tilly ont pris un tour critique cet été quand Nutréa (filiale de la coopérative bretonne Triskalia), principal fournisseur de poussins pour les éleveurs qui envoient leurs poulets à l'abattoir Tilly-Sabco, a cessé de les livrer faute d'assurances de paiement, compte tenu des difficultés de la filière.
Finalement, Tilly-Sabco a pu maintenir une activité réduite en septembre grâce à l'apport de 450 000 poulets par semaine à l'abattoir, soit deux jours de travail hebdomadaires, selon le syndicat CGT.
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