Les employés de huit magasins vendus par Carrefour espéraient voir leur repreneur placé en liquidation judiciaire ce jeudi…
Ils espéraient en finir avec « ce cauchemar ».
Sans salaire depuis plus de deux mois, les 48 employés de huit magasins Dia, rachetés par la société Gastt au groupe Carrefour fin mai, s’attendaient à ce que leur repreneur soit mis en liquidation. Mais le tribunal de commerce de Paris en a décidé autrement : il a placé ce jeudi la société Gastt Expansion en redressement judiciaire.
« J’ai envie de vomir », lâche Sandra à la sortie de l’audience, interdite au public et à la presse. La jeune femme, employée dans le magasin Dia de Belley (Ain), ne parvient pas à comprendre « comment les juges ont pu croire les mensonges d’Adam Kuzmicz », le patron de Gastt.
L’avocate des salariés, Me Florence Rebut-Delanoë, rassemble les quelques employés présents - la plupart n'ont pas pu venir, faute d'argent : « Bon, vous l’avez compris, Kuzmicz a expliqué avoir perdu des investisseurs et le tribunal veut lui laisser sa chance. Il considère qu’il peut s’agir là d’un accident ».
« Epuisés » de demander « de l’aide »
Patrice, également salarié dans le magasin de Belley, s’agace : « Mais il n’a même pas été honnête avec nous ! Il nous a fait croire tout l’été qu’il allait nous payer et ils lui font quand même confiance ? ».
« La principale préoccupation des juges est de préserver l’emploi. Ils préfèrent avoir 48 personnes en sauvegarde plutôt qu’au chômage », explique l’avocate, qui se veut rassurante : « Mais l’affaire sera désormais suivie par un administrateur judiciaire. Il va s’assurer que la société Gastt fait face à toutes ses obligations, notamment celle de verser vos salaires ».
L’employeur s’est engagé à payer les rémunérations pour la période du 15 au 30 septembre. Les deux mois et demi de salaires précédents seront quant à eux pris en charge par l’AGS, un organisme patronal.
Les employés devraient recevoir la somme correspondant à ces créances d’ici à trois semaines.
Tous l’attendent bien sûr avec impatience.
Ils sont « épuisés » d’aller frapper chaque jour à « toutes les portes ». Celles de la famille et des amis, « pour demander quelques euros ». Celle des banques, « pour négocier des dépassements de découvert ». Celles des divers services sociaux, « pour obtenir de l’aide ».
« Nous sommes à bout et nos enfants le ressentent »
Employée dans le Nord, Caroline survit depuis plusieurs semaines grâce aux bons d’achat délivrés par le Centre d’action sociale de sa commune. « J’ai obtenu 60 euros, ce qui est une aide précieuse dans ces circonstances, mais les démarches sont longues, il y a beaucoup de dossiers à remplir ».
Le plus difficile pour cette maman est d’avoir dû leurrer sa fille de cinq ans tout l’été : « Lorsqu’elle me demandait une glace ou un tour de manège, je prétextais avoir oublié mon porte-monnaie ou manqué de temps… ».
« Il faut que les choses se débloquent, nous sommes à bout et nos enfants le ressentent », renchérit Vanessa, la compagne de Patrice.
Si certains employés ont reçu le soutien d’élus locaux, tous regrettent l’absence d’aide de l’Etat.
Caroline a même écrit une lettre au président François Hollande : « L’Elysée m’a répondu en me disant qu’il faisait suivre mon dossier au ministre de l’Economie [Emmanuel Macron à l’époque] et à la ministre du Travail [Myriam El Khomri] ».
Caroline n’a eu aucune nouvelle depuis. Contacté par 20 Minutes, le ministère du Travail assure « suivre le dossier de près » et attendre que la justice suive son cours.
« Nous voulons reprendre une vie normale »
Une nouvelle audience a été fixée par le tribunal de commerce au 6 octobre. Si Gastt ne respecte pas ses engagements jusqu’à cette date, la société sera placée en liquidation. Ce dont rêvent les salariés, car aucun ne croit à la réouverture des magasins, fermés depuis fin mai.
« Nous voulons reprendre une vie normale et recommencer à travailler », explique Sandra. « Et pour l’instant, nous n’avons même pas le droit de chercher un travail ailleurs… », se désole Ammar, employé à Paris.
Sourcing: *Céline Boff
BM: Pour FO Carrefour doit faire preuve de conscience sociale, et reprendre chaque salarié dans le groupe.
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