Inaptitude d'un salarié protégé : le lien avec le mandat ne pardonne pas
Lorsque l'inaptitude d'un salarié protégé résulte de l'attitude de l'employeur à l'égard de son mandat, l'administration doit refuser l'autorisation de le licencier.
L'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique d'un salarié protégé, doit-il refuser le licenciement comme étant en rapport avec les fonctions représentatives, lorsque l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé en lien direct avec les difficultés mises par son employeur à l'exercice de ces fonctions ?
Voici la question posée au Conseil d'Etat par un tribunal administratif appelé à trancher sur l'annulation d'une autorisation de licenciement.
Deux principes s'opposent
Or la question est complexe car elle semble opposer deux principes juridiques :
- d'une part, il fait partie des missions générales et systématiques de l'inspecteur du travail de contrôler l'absence de lien entre le licenciement du salarié protégé et le mandat, autrement appelé contrôle de la discrimination. La jurisprudence est abondante et très claire : si ce lien existe, le licenciement doit être refusé, quelles que soient les circonstances ;
- d'autre part, dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé, les jurisprudences judiciaire et administrative ont dégagé une règle :
- L'inspecteur du travail n'a pas à rechercher la cause de l'inaptitude physique, et ce y compris lorsque le salarié invoque un harcèlement moral comme origine de son inaptitude.
Dans ce cas, le salarié est libre de solliciter la réparation de son préjudice et de son harcèlement devant les juridictions judiciaires, mais il ne peut contester la validité de son licenciement (Conseil d'Etat, 20 nov. 2013, n° 340591, Cour de cassation, chambre sociale, 27 nov. 2013, n° 12-20.301).
La question de savoir si cette absence de contrôle de l'administration sur la cause de l'inaptitude physique s'étendait au contrôle du rapport entre licenciement, et donc inaptitude, et mandat n'avait pas été tranchée. Le Conseil d'Etat rend un avis très clair à ce sujet.
Le lien entre le mandat et l'inaptitude est déterminant
Il rappelle qu'il " appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale ".
" Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée.
Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport ".
En d'autres termes, l'inspecteur du travail doit refuser l'autorisation de licenciement s'il constate un lien entre le mandat et l'inaptitude. L'administration se trouve donc, dans une certaine mesure, tenue de contrôler la cause de l'inaptitude physique si des éléments de discrimination apparaissent lors de l'enquête.
Voici une position qui va sans aucun doute tempérer les effets de la jurisprudence de 2013.
Remarque :
Reste à déterminer quels éléments permettront la reconnaissance de ce lien entre mandat et inaptitude.
D'une façon générale, la discrimination résulte de faisceau d'indices d'une grande variété :
Difficultés de fonctionnement des institutions représentatives,
Attitude hostile de l'employeur,
Restrictions à la libre utilisation des heures de délégation,
Défaut de convocation aux réunions, etc.
(Voir la circulaire de la DGT n° 07/2012, 30 juill. 2012).
La décision du Conseil d'Etat ne nous apprend pas quels étaient ces faits dans cette affaire.