Au tribunal des affaires de sécurité sociale, la grande misère de la petite justice
Débordés, les magistrats doivent faire le tri pour se concentrer sur les contentieux les plus importants. Les TASS seront réformés d’ici à 2019.
Les rôles semblent inversés ce matin. Pour se défendre devant la justice, l’employeur vante les compétences du salarié qui l’a assigné. « Benoît L. était formé avec cinq ans d’expérience après un bac pro et un BTS d’électrotechnique. Il connaissait parfaitement les règles de sécurité puisqu’il présidait le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail [CHSCT] », explique l’avocat de l’entreprise.
Nous ne sommes pas aux prud’hommes mais devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Chartres. Cette cour méconnue est l’un des enjeux de la réforme pour la justice du XXIe siècle votée en novembre 2016.
Parmi les 89 dossiers inscrits à l’audience, vendredi 27 janvier, celui de Benoît L. concerne un accident du travail qui remonte à avril 2013. Il a dû être amputé du pouce et de l’index de la main gauche après qu’un outil de découpe est tombé dans une machine dont il faisait la maintenance.
Il demande au tribunal de reconnaître une « faute inexcusable » de son employeur. Si ce dernier avait conscience du danger qu’il faisait encourir à son salarié, Benoît L. pourra toucher de l’Assurance-maladie l’indemnité de travailleur handicapé de droit commun, supérieure à celle des accidentés du travail.
Les retards s’accumulent
Après avoir écouté les deux parties, Raphaël Trarieux, président du TASS de Chartres, annonce qu’il rendra le jugement le 31 mars, soit près de quatre ans après l’accident. Une affaire pas évidente à trancher, les différentes expertises n’ayant pas permis d’avoir de certitudes sur les causes de l’accident.
Ecrasé sous un stock d’affaires à juger représentant plus de trois années d’activité du TASS, M. Trarieux « cherche à audiencer en priorité » ceux qu’il appelle ses « vrais dossiers », et à y consacrer du temps à l’audience. Mais il faut auparavant expédier le tout-venant.
La plupart des dossiers empilés ce matin devant le magistrat et ses deux assesseurs, l’un représentant les syndicats de salariés, et l’autre les syndicats d’employeur, concernent le contentieux des cotisations au régime social des indépendants (RSI) ou aux Urssaf, des batailles d’indemnités ou de prise en charge de frais médicaux par l’Assurance-maladie, des recours contre des caisses de retraite, etc.
Cette justice du quotidien, technique, considérée comme peu noble, dont les dossiers représentent des enjeux de quelques milliers d’euros...
Sourcing: LeMonde.fr / Jean-Baptiste Jacquin (Chartres, envoyé spécial)
NDR / BM
Le TASS est le tribunal où se côtoient la détresse, le désarroi et la misère sociale, et bien trop souvent l'incompréhension.
Procédures longues, et peu compréhensibles pour les salariés ou ex salariés venus quérir un peu d'humanité et de compréhension dans la défense des dossiers présentés, et surtout un acte de justice devant les situations vécues, justement comme des injustices.
L'on y côtoie des représentants d'employeurs n'assurant pas les responsabilités qui leurs incombent, ou leurs inconséquences ayant précipité leurs salariés dans la détresse sociale, le plus souvent marqués physiquement, dans leur chair, en situation d'incapacité, ou d'inaptitude.
D'innombrables dossiers de contentieux devant des retards ou de non paiement de cotisations par les employeurs échouent devant cette juridiction.
La reconnaissance d'une maladie professionnelle pourtant inscrite aux tableaux de la SS relève du parcours du combattant, pour lequel les salariés, seuls, livrés à eux mêmes partent battus d'avance.
Les assesseurs, sur le modèle de l'échevinage ont peu de poids ou de regard dans les dossiers.
Pour une meilleure défense des dossiers, et pour éviter de se retrouver dans cette situation de devoir faire valoir ses droits devant ce tribunal il est important que lorsqu'ils existent dans l'entreprise, les DP ou les CHSCT jouent leur rôle avec efficacité, sans compromission.
Il ne peut y avoir de compromis avec la santé et la sécurité des travailleurs !
Pour avoir défendu des dossiers pour et au nom des salariés devant ce tribunal dans de nombreuses juridictions, ce qui ressort relève du manque d'écoute, et de la frustration devant des juges ne maîtrisant pas toujours leur sujet.....
(A suivre...
BM