JURINFO
🚨Lu pour vous, par Joëlle Noldin :
Entre protection de la vie privée et les limites de la liberté d'expression du salarié
La décision de justice suivante, nous donnent une parfaite illustration de l'application du principe de loyauté dans la relation de travail entre un salarié et un employeur, lorsque cela implique l'utilisation d'un réseau social, en l'occurence Facebook dans les deux cas d'espèce.
En effet, ce cas, le salarié a manqué à son devoir de loyauté en abusant de sa liberté d'expression.
Facebook et les limites à la liberté d'expression d'un salarié (CA Reims 15 nov. 2017 n°16/02786)
📕Dans un récent arrêt, un salarié d'une grande surface a posté sur la page Facebook d'un journal un commentaire exprimant son point de vue sur l'ouverture dominicale du magasin.
Ledit salarié a été licencié pour faute grave, au motif qu'il lui était reproché un abus de sa liberté d'expression préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.
Le Conseil de prud'hommes avait déclaré son licenciement nul.
📕La Cour d'appel n'a pas adopté la même position et a ainsi infirmé le jugement et a estimé que le licenciement du salarié reposait bien sur une faute grave.
Sur les faits :
Le journal a publié sur sa page Facebook la nouvelle organisation du magasin le dimanche dans les termes suivants :"Pour cette ouverture dominicale, d'autres salariés devront changer de casquette".
A la suite de cette page apparaissaient différents commentaires, notamment celui du salarié licencié :
"Aller y travailler le dimanche bande de charlot c pas vous qui vous levez et qui n'avez pas de vie de famille nous faite pas chier à venir le dimanche !!!!!".
Le compte Facebook du journal compte 112 000 "followers" qui peuvent lire les publications et les commentaires.
📕Selon la Cour d'appel : "le salarié en s'adressant directement à des clients de la société ou à des clients potentiels en les traitant de "bande de charlot" ne constitue pas un terme injurieux ni un terme simplement discourtois mais un terme excessif".
📕" Dans ces conditions, en employant sur le site Facebook du journal l'Union, 2 jours avant l'ouverture du magasin le dimanche matin, des propos excessifs, le salarié a non seulement nuit à l'image de la société mais l'a exposé à des conséquences économiques puisque la société établit que l'ouverture du magasin s'inscrivait notamment dans une démarche d'alignement sur la concurrence et dans une politique de développement des parts de marché".
📕Ainsi, la Cour d'appel a infirmé le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il avait écarté la faute grave du salarié.
📕La Cour a estimé qu'un tel abus par le salarié de sa liberté d'expression constitue une violation de son obligation de loyauté rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
📕En somme, l'arrêt de la Cour d'appel demeure dans la lignée des précédentes décisions rendues en la matière. A savoir que la liberté d'expression est une liberté individuelle reconnue par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La limite à une telle liberté est l'abus, qui est caractérisé par la publication de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
📕Et en l'occurence, pour caractériser le caractère excessif de propos publiés sur une page Facebook, la Cour d'appel retient le fait que le message publié s'adressait directement à des clients ou à des clients potentiels, autrement dit il "excédait le périmètre de l'entreprise".
📕La Cour d'appel n'a retenu ni la diffamation qui renvoie à l'allégation d'un fait précis portant atteinte à la considération et à l'honneur, précisée par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, ni l'injure qui renvoie plutôt à des insultes.
La vigilance s'impose !
Article source: DALILA MADJID, Avocat
Publication: FO CPF, service juridique
Remerciements J. Noldin, déléguée syndicale FO Carrefour
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