EXCLUSIF - Le rapport de Jean-Paul Bailly, remis lundi à Matignon, devrait exclure l’extension des dérogations à de nouveaux secteurs et préconiser de redéfinir par le dialogue social territorial les zones où le travail dominical est autorisé. Il recommandera des contreparties obligatoires pour les salariés. Le nombre d’ouvertures exceptionnelles sur autorisation du maire devrait être portée de cinq aujourd’hui à une dizaine.
Commandé début octobre par Matignon suite à la fronde des « bricoleurs du dimanche » , le rapport de Jean-Paul Bailly, ex-président de La Poste, sur le travail dominical sera remis lundi à 9 heures à Jean-Marc Ayrault, qui s’exprimera dans la foulée. Fruit d’une soixantaine d’auditions menées avec le soutien de la Directiongénérale du travail, le rapport s’attache avant tout à clarifier et simplifier un cadre juridique unanimement décrit comme « kafkaïen ». Les « Echos » dévoilent en exclusivité les principales mesures que contiendra le rapport et sur lesquelles le gouvernement entend largement s’appuyer dans le cadre d’une future loi, un passage devant le Parlement s’avérant indispensable pour mettre en œuvre les évolutions en préparation.
Le principe du repos dominical réaffirmé
Ce point là a été très vite vu : le gouvernement exclut de remettre en cause le principe du repos dominical. Quasiment personne ne le demande et Jean-Paul Bailly continue d’estimer, comme il l’écrivait en 2007 dans un précédent rapport sur le travail dominical rédigé pour le Conseil économique et social, que « le dimanche doit rester un jour différent ».
Pas de nouvelles dérogations sectorielles
Le fronde des magasins de bricolage, qui réclament une dérogation permanente d’ouverture dominicale à l’instar de celles accordées en 2009 au jardinage et à l’ameublement, est à l’origine de la remise sur le tapis du dossier. Mais ils ne devraient pas obtenir gain de cause. Selon nos informations, le rapport repousse toute dérogation à de nouveaux secteurs. « Cette piste a très vite été abandonnée. Personne n’a adopté cette logique sectorielle en Europe et désormais, les secteurs sont si imbriqués que cette notion n’a pas de sens », confie un proche du dossier.
De quoi conforter le gouvernement, qui ne veut surtout pas rentrer dans cette logique. « Cela ne ferait que déplacer le problème. Si on l’accorde au bricolage, d’autres secteurs vont le réclamer et on n’en sortira jamais », y résume-t-on. De fait, la culture (Fnac) ou encore le sport sont déjà montés au créneau dans ce sens. Pour le bricolage, « une dérogation transitoire pourrait toutefois être accordée », confie une source gouvernementale, le temps que la réforme plus globale soit adoptée.
Zones touristiques, PUCE : vers une grande remise à plat
D’une part, les périmètres actuels des zones touristiques où l’ouverture dominicale est autorisée sont l’objet de vastes débats. A Paris, par exemple, les grands boulevards en sont exclus, au grand dam des Galeries Lafayette et du Printemps. D’autre part, la création des PUCE (périmètre d’usage de consommation exceptionnelle), dans la loi Mallié de 2009, a créé des inégalités de traitement, en y imposant des compensationspour les salariés, non obligatoires dans les zones touristiques. Par souci de simplification et de cohérence, le rapport va recommander une vaste remise à plat, en redéfinissant, par un dialogue social local, les zones où le travail dominical est autorisé.« Il faut s’appuyer sur une logique géographique, avec des concertations territoriales »,explique un proche du dossier. La distinction PUCE / zones touristiques serait ainsi supprimée au profit d’un seul et unique type de zone soumises à des règles unifiées au niveau national. « Il n’y aura pas de distinction entre l’Ile-de-France et le reste de la France », confirment plusieurs sources.
Des garanties apportées aux salariés par accord
Ce sont « les droits nouveaux » évoqués notamment par le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, jeudi soir sur France 2 . Dans les futures zones où le travail dominical sera autorisé, des accords collectifs (par territoires, branches ou entreprises) devront définir les contreparties pour les salariés concernés (majoration salariale, repos compensatoire, etc.). Certains syndicats, comme la CFDT, sont favorables à une négociation interprofessionnelle venant poser des contreparties minimales, mais le patronat y rechigne fortement. Dans ce contexte, les compensations « planchers » pourraient être directement définies par le gouvernement dans le cadre d’une nouvelle loi.
A quel niveau de majoration salariale ? Ce point sera sans doute discuté avec les partenaires sociaux mais dans les PUCE, le salaire doit être au moins doublé le dimanche et « il ne serait pas illogique de s’en inspirer », confie une source. Mais le cas des TPE (moins de 10 salariés) fait débat. Selon plusieurs sources concordantes, Jean-Paul Bailly, pour ne pas les mettre en difficultés financières et ainsi protéger les petits commerces, est enclin à ne pas leur imposer de contreparties pour les salariés - ou des contreparties moindres - mais les syndicats s’y opposent au nom de l’égalité de traitement. Cette question devrait alimenter les débats ces prochains jours.
Vers une extension des cinq « dimanches du maire »
Jean-Paul Bailly y ouvrait déjà la porte dans son rapport de 2007 et le sujet fait quasi consensus : le nombre d’ouvertures exceptionnelles sur autorisation du maire va être portée de cinq aujourd’hui à une dizaine. Une manière d’ajouter de la souplesse, de contenter certaines enseignes et de répondre en partie aux attentes des consommateurs, en particulier franciliens. Une partie ou la totalité de ces nouveaux dimanches pourraient être à la guise des employeurs, qui s’en serviraient quand ils le voudraient, comme le réclament notamment le Medef.
Par Derek Perrotte
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