SOCIETE / ENTREPRISE / DROIT / PROTECTION / Lanceur d'alerte
Une récente décision de justice à l'encontre d'un lanceur d'alerte nous a déterminé à parfaire la mise à jour de notre precédent article sur le sujet, qui éclaire cet épineux problème de la protection des lanceurs d'alerte.
Article initial de janvier 2018, mis à jour ce jour du 15/01 019 à l'aune de la recente décision de la Cour de cassation d'octobre 2018, qui annule les jugements antérieurs et remet l'inspectrice du travail dans ses droits, et renvoie l'affaire à la Cour d'appel de Lyon, pour être rejugée à la lumière de cette décision.
Nous citons ici l'affaire de l'inspectrice du travail, Laura Pfeiffer, courageuse et déterminée, face à sa hiérarchie, et à l'encontre de la société Tefal.
En l'espèce
La Justice reconnaît le statut de lanceuse d’alerte à une inspectrice du travail
Laura Pfeiffer, inspectrice du travail, vient de remporter une manche dans la bagarre judiciaire qui l’oppose à l’entreprise Tefal depuis cinq ans. Ce 17 octobre 2018, la cour de Cassation a annulé sa condamnation, en novembre 2016, pour violation du secret professionnel et pour « recel d’atteinte au secret des correspondances ».
La fonctionnaire s’était vu infliger une amende de 3 500 euros avec sursis. Son tort : avoir transmis à son syndicat des mails révélant des liens de connivence entre sa hiérarchie et la direction de Tefal. Le salarié de Tefal qui lui avait fait parvenir ses mails avait lui aussi été condamné à une amende avec sursis en première instance, puis en appel.
Pour justifier l’annulation de la condamnation, la cour de Cassation a pris appui sur un nouveau texte, la loi dite Sapin 2, qui assouplit la définition des lanceurs d’alerte, statut invoqué par Laura Pfeiffer mais que les juges avaient rejeté en première instance, puis en appel.
Selon la cour de cassation, « l’arrêt attaqué doit être annulé pour permettre l’examen des faits au regard de cette disposition légale nouvelle ».
« Ce jugement est un désaveu cinglant pour Tefal qui avait porté plainte contre notre collègue et le ministère du travail, qui ne l’a jamais soutenue et n’a jamais condamné publiquement les agissements de l’entreprise » », estime l’intersyndicale CGT, CNT, FO, FSU, SUD.
« La reconnaissance du statut de lanceur.euse d’alerte tant pour le salarié ayant transmis les documents révélant l’obstacle aux fonctions de notre collègue, est une première victoire.
Désormais s’ouvre une nouvelle phase juridique à l’issue de laquelle nous comptons bien obtenir une relaxe de notre collègue qui n’a fait que son travail et qui supporte depuis 2013 la pression instaurée par Tefal et relayée par le ministère du travail. »
L’affaire doit être rejugée par la cour d’Appel de Lyon, sans l’ex-salarié de Tefal qui s’était retiré de son pourvoi en cassation.
Sourcing: NOLWENN WEILER, article du 19 OCTOBRE 2018, in Basta
Note:
Le Blog avait relaté l'affaire et soutenu cette inspectrice du travail, en butte non seulement à un employeur indélicat et récalcitrant mais également à sa hiérarchie, agissant dans l'interêt bien compris de l'entreprise, allant à l'encontre des observations de son inspectrice dans le cadre de ses attributions.
Nous saluons cette décision, suite d'un long combat pour que justice soit faite.
(BM)
Lanceur d'alerte, CQFS
Un lanceur d'alerte est toute personne, groupe ou institution qui, ayant connaissance d'un danger, un risque ou un scandale, adresse un signal d'alarme et, ce faisant, enclenche un processus de régulation, de controverse ou de mobilisation collective.
La Loi dite Loi Sapin 2 a définit le cadre général du statut de lanceur d'alerte, et octroie une protection au salarié lanceur d'alerte inscrite dans le code du travail.
Le salarié lanceur d’alerte
Quelles obligations pour les entreprises ?
Les affaires « Snowden», «Wikileaks», « Luxleaks », «Médiator» et plus récemment les « Panama Papers » ont mis en lumière le statut de lanceur d’alerte.
La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Loi Sapin II » est venue poser un cadre général au statut de lanceur d’alerte en droit français.
Jusqu’à présent, les lanceurs d’alerte bénéficiaient de dispositions éparses notamment au titre de la lutte contre la corruption, de l’existence d’un risque grave pour la santé publique ou l’environnement, ou encore de la sécurité des produits de santé.
Que recouvre la notion de lanceur d’alerte ?
L’article 6 de la loi « Sapin II » définit le lanceur d’alerte comme une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
Quelles sont les grandes lignes de la procédure d’alerte ?
La loi instaure une procédure de signalement en trois étapes :
Interne:
Un signalement effectué en interne dans l’entreprise au supérieur hiérarchique direct ou indirect, l’employeur ou un référent désigné.
Externe:
En l’absence de réaction à la suite du signalement interne dans un délai raisonnable, le signalement est adressé par le lanceur d’alerte à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou, selon le cas, aux ordres professionnels.
A défaut de traitement du signalement par l’autorité précédemment désignée dans un délai de 3 mois, celui-ci peut être rendu public et donc médiatisé.
Il est à noter que le signalement peut être porté directement devant les autorités et être rendu public en cas de danger grave et imminent ou en présence de dommages irréversibles.
Quelles sont les nouvelles obligations pour l’employeur ?
Une obligation de mettre en place une procédure d’alerte interne dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Une obligation de confidentialité à la charge de l’ensemble des destinataires du signalement quant à l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par le signalement et des informations recueillies.
Le manquement à cette obligation est puni de 2 ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.
L’obligation à partir du 1er juin 2017 d’adopter un programme anti-corruption pour les sociétés d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros, ou les sociétés appartenant à un groupe réunissant ces conditions et dont la maison mère a son siège en France.
Le programme anti-corruption devra comporter des mesures telles que l’intégration dans le règlement intérieur d’un code de bonne conduite, la mise en place d’un dispositif de recueil des alertes, un dispositif de formation du personnel exposé aux risques de corruption, l’institution d’un régime de sanctions disciplinaires en cas de violation du code de bonne conduite.
La mise en place de ces outils devra se faire dans le respect des règles de droit du travail et de protection des données personnelles.
Quelle protection pour le lanceur d’alerte ?
La loi Sapin II prévoit plusieurs mesures pour protéger le lanceur d’alerte.
le lanceur d’alerte bénéficie d’une protection contre les discriminations impliquant la nullité de la rupture du contrat de travail ou des sanctions fondées sur le signalement. Il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé.
(article 9 de la loi)
Il peut également bénéficier d’une immunité pénale en cas de divulgation protégée par loi et, ce, sous certaines conditions.
Est cependant exclue du régime de l’alerte et de l’immunité pénale, la divulgation d’informations couvertes par le secret de défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre l’avocat et son client.
Toute personne qui fait obstacle à la transmission d’un signalement, effectuée conformément à la procédure d’alerte décrite plus haut, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende.
De plus, le fait de saisir un juge d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte peut être considéré comme un recours abusif ou dilatoire.
Ce comportement est sanctionné par une amende civile de 30.000 €.
Rappel
A compter du 1er janvier 2018, les entreprises d’au moins 50 salariés auront pour obligation la mise en place d’une procédure spéciale de recueil des signalements des lanceurs d’alerte.
A partir du 1er janvier 2018, les entreprises de plus de 50 salariés auront pour obligation de mettre en place une procédure spéciale pour recueillir et faire remonter les signalements effectués par les lanceurs d’alerte. Les entreprises devront communiquer aux salariés par tout type de moyens (emails, affichage, courrier) la procédure du lanceur d’alerte.
Cette procédure sera chapeautée par un référent.
Le lanceur d’alerte
L’article 6 de la loi donne plusieurs détails concernant le lanceur d’alerte. Ce dernier peut être une personne physique agissant de manière désintéressée et de bonne foi, elle peut-être :
- Un membre de l’entreprise
- Un collaborateur extérieur
Le lanceur d’alerte peut signaler :
Un crime
Un délit
Le référent
Le référent sera obligatoire pour les entreprises dès le 1er janvier 2018. Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une entité.
Il peut s’agir aussi d’un prestataire de service. La seule obligation, c’est que le référent possède :
La compétence
L’autorité
Et les moyens d’exercer son travail
La procédure
La procédure doit être confidentielle, autant sur l’identité du lancer d’alerte que sur les faits et les personnes visées.
Pour lancer une alerte, plusieurs étapes sont à respecter :
Il faut d’abord collecter les faits, les informations et les documents nécessaires pour justifier l’alerte.
Il faut ensuite adresser les preuves au référent ou supérieur hiérarchique
Par la suite, l’entreprise devra confirmer la bonne réception du signalement du donneur d’alerte et le renseigner sur la durée du traitement de l’information.
S’il n’y a pas de suite donné à l’alerte :
la destruction des éléments du dossier doit intervenir dans les deux mois
l’auteur et les personnes visées doivent être informés sur la clôture de la procédure
La protection du lanceur d’alerte, selon le code du travail
L’article L. 1132-3-3 du code du travail prévoit aussi que le lanceur d’alerte :
Ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle
Ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire
À noter :
Le lanceur d’alerte qui effectue un faux signalement peut être poursuivi.
Publication: FO CPF, service juridique
Blog publication 15 janvier 2018
Mis à jour le 15 janvier 2019, 14H32
commenter cet article …