Loi Travail.
Non, nous ne pourrons pas être payés moins que le Smic
Emmanuel Macron a amorcé sa réforme du Code du travail.
Principal changement introduit par son programme : des règles au niveau de l’entreprise pourront déroger aux accords de branche. De là à être payés en fonction du bon vouloir du patron ?
Pas si simple. Explications avec Jean-Emmanuel Ray, professeur à l’école de droit de Paris 1 Sorbonne et membre du club des juristes.
Après cette première journée de consultation hier, on se dirige bien vers une inversion de la hiérarchie des normes ?
Ce terme d’inversion de la hiérarchie des normes est faux. C’est un slogan. La Constitution et la loi restent toujours au-dessus des conventions collectives.
La réforme voulue par Emmanuel Macron est un nouveau positionnement entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise. Mais la loi Fillon de mai 2004, puis El Khomri d’août 2016 avaient déjà amorcé ce changement. Si un accord majoritaire est signé, le chef d’entreprise peut déjà sortir des contraintes de la branche, par exemple pour tout ce qui touche au temps de travail.
Emmanuel Macron veut élargir cette possibilité à d’autres domaines ?
Sans doute. Mais pour le moment on ignore à quoi exactement.
Dans son programme, il évoque les salaires… À quoi peut-on s’attendre ?
Le constat d’Emmanuel Macron est juste : dans une même branche, des entreprises vont bien et d’autres vont mal. Si une entreprise ne peut pas payer le salaire minimum conventionnel imposé par la branche, elle monte un plan de sauvegarde de l’emploi ou dépose le bilan.
Le problème avec les accords de branche est qu’ils ont été souvent négociés pendant les Trente Glorieuses (1945 - 1975). On avait alors accordé beaucoup d’avantages car l’économie était florissante. Or, ce n’est plus possible aujourd’hui car la situation des entreprises est trop disparate. On ne peut ici se contenter d’une position de principe.
Mais on ne pourra pas être payés moins que le Smic ?
Bien sûr que non : aucune dérogation n’est prévue. Le Smic reste le salaire incompressible, partout, pour tous. Il n’y a aucun souci là-dessus. Autre preuve de l’absence d’inversion de la hiérarchie des normes.
Les chefs d’entreprise pourront décider de diminuer notre salaire ?
Pas davantage. Rien ne pourra être fait sans la signature de syndicats qui auront obtenu plus de 50 % des suffrages. Il faudra qu’ils signent. Et un accord majoritaire pour donner l’autorisation de déroger aux salaires minima de la branche, ça risque d’être très, très compliqué. Même si, il faut le rappeler, la CGT signe aujourd’hui entre 60 et 70 % des accords au niveau des entreprises.
L’idée de la réforme, c’est que les problèmes du terrain doivent être résolus sur le terrain.
Quid des entreprises qui n’ont pas de représentants syndicaux ?
Ce serpent de mer du droit du travail a été envisagé depuis longtemps : les branches prennent en charge la couverture des PME. En France on a une situation inédite : 7 % des salariés sont syndiqués mais 95 % des salariés sont couverts. Aucun pays au monde n’a une telle différence, due à l’extension des conventions de branche.
Les PME sont très demandeuses de ces conventions où les partenaires sociaux de branche leur donnent un accès direct à la flexibilité, ou leur préparent des accords-type. Cela leur facilite considérablement les choses, car, pour introduire plus de flexibilité il faut un accord collectif. Sinon, dans ma PME où je n’ai pas de négociateurs syndicaux ou de comité d’entreprise, je n’aurais pas accès à la flexibilité, et les grosses entreprises auraient des avantages concurrentiels sur moi.
Qui serait concerné ?
Les 52 % des salariés travaillant dans des entreprises de moins de 50 salariés, donc en dessous du seuil de représentation syndicale. Mais aussi certaines entreprises plus importantes, où il n’y a aucun syndicat comme pour certaines sociétés de services et d’ingénierie informatique.
Pouvez-vous rappeler à quoi sert un accord de branche ?
La fonction d’une branche est de créer une concurrence loyale, en protégeant les entreprises d’un dumping social interne. La compétition est rude entre les entreprises au niveau du service après-vente, des produits, etc. Mais les salaires minima sont indérogeables. Aucune entreprise du secteur ne peut aujourd’hui descendre en dessous du salaire minimum défini pour l’embauche d’un ouvrier de ce secteur.
Une autre solution est juridiquement possible, mais tactiquement risquée :
l’entreprise en cause va-t-elle attirer les meilleurs candidats ? Fidéliser ses meilleurs collaborateurs ?
Sourcing de l'information: eurodif-fo.com
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NDR / BM
Propos rapportée de Jean-Emmanuel Ray, professeur à l’école de droit de Paris 1 Sorbonne et membre du club des juristes, n'engageant pas le Blog, ni sa rédaction, ni FO CPF.
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