L’orsqu’en 1886, le Conseil municipal de Paris prend l’initiative de créer une Bourse du travail, ce n’est pas sans arrière-pensées.
La municipalité met à la disposition des chambres syndicales des bureaux, des salles de réunion et une documentation.
L’exemple de Paris fait rapidement école à Marseille (1885), Nîmes, Bourges (1887), Saint-Étienne, Toulouse (1888), Elbeuf (1889), Agen, Montpellier (1891), Lyon, Bordeaux... En 1892, on recense 14 Bourses, 40 en 1895, 74 en 1901 et 157 en 1908. Les autorités municipales espèrent ainsi placer sous contrôle, au moins partiellement, le mouvement syndical en plein essor.
Mais les syndicalistes ne tombèrent pas dans le piège. Bien au contraire. Les Bourses du travail deviennent les bastions des représentants ouvriers soucieux de l’indépendance syndicale par rapport à l’État, mais aussi par rapport aux partis.
Contrairement aux guesdistes qui prônent, du moins dans un premier temps, la grève générale pour renverser le régime en place, les Bourses du travail se veulent les héritières des Sociétés de Résistance : c’est aux syndicats de décider des grèves mais les Bourses du travail doivent assurer la solidarité effective entre les ouvriers. Elles sont le foyer de la vie syndicale et le levier de l’action pour défendre les salariés face aux employeurs et au gouvernement.
Réunis en Congrès à Saint-Étienne, le 7 février 1892, les syndicalistes créent la Fédération des Bourses du travail.
Le Congrès déclare : « Les Bourses du travail doivent être absolument indépendantes pour rendre les services qu’on en attend. Les travailleurs doivent repousser d’une façon absolue l’ingérence des pouvoirs administratifs et gouvernementaux dans le fonctionnement des Bourses, ingérence qui s’est manifestée par la déclaration d’utilité publique qui n’a été proposée par le gouvernement que pour nuire à leur développement. le Congrès invite les travailleurs à faire les plus énergiques efforts pour garantir l’entière indépendance des Bourses du travail. »
Un "Service de la Mutualité"aide au"placement"des syndiqués et assure un"secours"aux victimes d’accidents du travail et aux chômeurs.
Grâce à l’appui des Bourses, les syndicats se multiplient, des bibliothèques sont créées et un enseignement général aussi bien que professionnel est dispensé aux ouvriers.
Malgré ce regroupement en fédération, la structure nationale reste néanmoins assez fragile. Le comité fédéral comprend un délégué par Bourse adhérente. Il désigne un Bureau national de quatre membres. Mais la solidarité s’exprime encore avant tout au niveau local. Les entreprises industrielles ont, elles aussi, rarement une taille nationale et les ouvriers ont rarement l’occasion de voyager. L’impulsion est pourtant donnée : elle aboutira, trois ans après le Congrès de Saint-Étienne, à la création de la première centrale syndicale, la Confédération Générale du Travail.
FO Force Ouvrière, La force syndicale