Carole Fgta-Fo
Les négociations sociales restent suspendues
Tôt samedi 17 janvier, syndicats et patronat se sont séparés sans signer d'accord sur les seuils sociaux
Alors qu'un accord semblait tout proche, syndicats et patronat ont échoué à s'entendre sur une réforme du dialogue social et des seuils sociaux dans les entreprises, samedi 17 janvier. Après deux jours et une longue nuit de négociation, les partenaires sociaux se sont séparés au petit matin sur un constat d'échec. Une nouvelle séance de négociation devrait toutefois être fixée dans les prochains jours. " La matière est sensible et difficile. On a fait beaucoup d'efforts, on était tout proche d'un accord mais on n'a pas réussi à aboutir cette nuit ", a expliqué Alexandre Saubot, le négociateur du Medef. La négociation, ouverte à la demande du gouvernement, aurait déjà dû aboutir fin 2014.
Les grandes lignes de l'accord semblaient pourtant être fixées vendredi soir, mais les détails techniques de la réforme en profondeur des instances de représentation du personnel souhaitées par le Medef ont fait l'objet d'âpres débats. Sur le principe, trois syndicats majoritaires (CFDT, CFTC et CFE-CGC) devraient s'entendre avec le Medef et l'UPA (artisans) pour fusionner toutes les actuelles instances de représentations du personnel (comité d'entreprise, délégués du personnel, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - CHSCT - ) dans une seule, baptisée " conseil d'entreprise ". Reste à en fixer les détails techniques précisément.
Disparition des CHSCT
Si elle est entérinée lors de l'ultime séance de négociation, cette réforme pourrait bouleverser en profondeur le paysage du dialogue social dans les entreprises. Le nouveau conseil d'entreprise devrait en effet être obligatoire dans toutes les entreprises employant plus de onze salariés. La disparition des CHSCT est probablement la mesure la plus spectaculaire de ce projet d'accord. Créés en 1982, ils étaient spécialisés dans la surveillance des conditions de travail des salariés.
Le Medef, qui réclamait cette simplification, assure que les prérogatives actuelles du CHSCT seront intégralement transmises au nouveau conseil d'entreprise. Par ailleurs, le projet de texte prévoit que les entreprises de plus de 300 salariés continuent d'avoir un ersatz de CHSCT, sous la forme d'une simple " commission " constituée au sein du conseil d'entreprise et qui " l'assiste " sur les questions d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail.
Mais la CGT, qui ne signera pas l'accord quoi qu'il arrive, a immédiatement dénoncé une " réduction drastique du dialogue social et des capacités d'intervention des salariés ". Dans la même veine, Force ouvrière s'est alarmée de la fin de " soixante-neuf ans de délégués du personnel, soixante-dix ans de comité d'entreprise, quarante-six ans de délégués syndicaux et plus de trente ans de CHSCT ". La CFDT était nettement moins pessimiste, en estimant que la disparition des CHSCT n'était pas un problème si ses prérogatives et pouvoirs sont intégralement repris par les nouveaux conseils d'entreprise.
En échange de cette mesure, le patronat a accepté de créer un dispositif pour représenter les salariés des entreprises de moins de onze salariés, qui en sont actuellement dépourvues. C'était une des principales revendications syndicales. Des " commissions régionales paritaires " doivent voir le jour. Elles regrouperont dix patrons et dix syndicalistes et auront pour rôle de " conseiller les salariés et les employeurs " de ces petites entreprises. Leurs moyens seront en revanche très limités et elles auront l'interdiction " d'intervenir dans une entreprise ", ce qui devrait clairement brider leur pouvoir. La CFDT réclame que ces pouvoirs soient renforcés avant de signer ce projet d'accord. Côté patronal, la CGPME, qui refuse par principe toute représentation des salariés dans les très petites entreprises (TPE), ne signera probablement pas l'accord. Qu'importe, les signatures du Medef et de l'UPA (artisans) suffiront.
" Lissage " des seuils sociaux
Par ailleurs, le patronat réclame un " lissage " des seuils sociaux actuels puisque la taille des conseils d'entreprise dépendra plus fortement de la taille des entreprises. Le dernier projet prévoyait un élu pour les entreprises de 11 à 25 salariés, deux jusqu'à 49, et ainsi de suite jusqu'à 60 pour les entreprises de plus de 10 000 salariés. En revanche, le seuil symbolique des 50 salariés devrait perdurer puisque c'est à partir de ce niveau que le conseil d'entreprise aura un budget de fonctionnement, la possibilité d'aller en justice et de prévoir des mesures sociales pour les salariés, sur le modèle des actuels comités d'entreprise. Syndicats et patronat se sont longuement écharpés sur l'enveloppe d'heures de délégation dont pourront bénéficier ces élus, le patronat voulant drastiquement les réduire.
Les syndicats devraient par ailleurs obtenir le maintien de leur prééminence. Comme actuellement, seuls des candidats syndiqués pourraient se présenter au premier tour des élections professionnelles et ils seraient les seuls habilités à négocier des accords avec leur direction, sauf en l'absence totale d'élus syndiqués. Là encore, ces points font l'objet de discussions techniques poussées qui ne sont pas encore résolues.
Dernier point crucial, le patronat demande que les nombreuses consultations obligatoires soient grandement allégées puisque, dans son projet, seules subsistent trois consultations annuelles sur la " situation économique et financière de l'entreprise ", sur la " situation sociale " et sur les " orientations stratégiques ". Autant dire que, si les partenaires sociaux finissent par s'entendre, le paysage du dialogue social dans les entreprises devrait radicalement changer.
Jean-Baptiste Chastand
Le contexte
Le projet d'accord, qui peut encore évoluer, prévoit deux principaux changements.
conseil d'entreprise
Le comité d'entreprise, le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les délégués du personnel et les délégués syndicaux sont fusionnés dans une seule instance, le conseil d'entreprise. Les moyens de ce conseil, obligatoire dans toutes les entreprises de plus de onze salariés, augmenteront en fonction de la taille de l'entreprise.
Commissions régionales
Les salariés des entreprises employant moins de onze personnes seront représentés par des syndicats siégeant au sein d'une commission paritaire régionale, avec des élus patronaux. Les pouvoirs de ces commissions seront toutefois très limités.
Le monde
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