Les artisans et libéraux s'unissent, le Medef et la CGPME sortent les griffes
Le président de l'UPA, organisation patronale des artisans et commerçants, Jean-Pierre Crouzet, à Matignon a frappé un grand coup, jeudi 17 novembre en officialisant la naissance de l'U2P, qui entérine l'adhésion des libéraux à ses troupes.
Le président de l'UPA, organisation patronale des artisans et commerçants, Jean-Pierre Crouzet, à Matignon a frappé un grand coup, jeudi 17 novembre en officialisant la naissance de l'U2P, qui entérine l'adhésion des libéraux à ses troupes.
C'est officiel: l'Union professionnelle des artisans et celle des professions libérales se marient. Forte de 2,3 millions d'entreprises, la nouvelle organisation baptisée U2P se revendique comme la première force patronale du pays et entend peser dans les négociations.
L'heure est au rapprochement entre certaines organisations patronales.
L'alliance entre l'Union professionnelle des Artisans (UPA) et l'UNAPL (qui représente les professions libérales) a officiellement été scellée ce jeudi 17 novembre.
L'UNAPL va ainsi devenir la quatrième composante de l'UPA aux côtés de la Capeb (Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment), de la Cnam (Confédération Nationale de l'Artisanat, des Métiers et des Services) et de la CGAD (Confédération Générale de l'Alimentation en Détail).
L'UPA va ainsi élargir son champ aux professions libérales et récupérer, au passage, de nouvelles entreprises adhérentes.
Un nouveau nom va également être donné à ce nouvel attelage: l'Union des entreprises de proximité, l'U2P.
"Ce n'est pas une nouvelle organisation qui voit le jour, nous procédons à des changements, explique-t-on au sein de l'UPA. Nous allons ensuite déposer un dossier avant le 16 décembre, comme le prévoit la loi et les nouvelles règles de mesure de la représentativité patronale. Les pouvoirs publics valideront ensuite le dossier et les entreprises adhérentes, et le processus ne devrait pas poser problème."
La CGPME crie au "bidouillage"
La manoeuvre est loin d'être anodine. Elle permettra aux organisations jugées représentatives d'obtenir des places dans les instances paritaires et les fonds de financement du paritarisme.
En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 sur la formation puis celle de la loi El Khomri, la représentativité patronale a été revue.
Seront dès 2017 jugées représentatives, les organisations patronales qui respectent un socle commun de critères dont l'audience de ces organisations. Elles doivent ainsi prouver qu'elles ont comme adhérents au moins 8% des entreprises ayant adhéré à une organisation ou que leurs entreprises adhérentes emploient au moins 8% du total des salariés représentés par des organisations patronales.
L'annonce de cette union ne réjouit pas vraiment les autres organisations patronales.
Pierre Gattaz, patron du Medef a ainsi réagi très laconiquement, expliquant avoir appris l'information "par la presse". De son côté, François Asselin de la CGPME semble remonté. "Que les gens se rapprochent, ça les regarde, lance-t-il. Mais qu'il y ait un bidouillage statutaire destiné à répondre aux enjeux de représentativité patronale, c'est plus problématique."
Pour le patron de la Confédération générale des petites entreprises, cette décision a été prise dans la "précipitation" pour peser rapidement dans les futurs débats même s'il dit comprendre "que les libéraux veuillent exister dans les négociations interprofessionnelles."
Le terme de "bidouillage" ne passe pas auprès de l'UPA, qui rappelle qu'elle est "souveraine dans ses statuts et peut donc les modifier si elle le souhaite".
Un nouvel invité dans les négociations interprofessionnelles
Outre le renforcement des troupes, l'U2P, ouvre aussi la porte des négociations interprofessionnelles comme celles sur l'assurance chômage aux membres de l'UNAPL qui n'y siégeaient pas jusqu'à maintenant. Cette dernière n'était jusqu'alors pas jugée légitime pour participer aux négociations car elle n'était pas représentative dans les secteurs des services, du commerce, de l'industrie et de la construction.
Cette alliance permet donc de revoir les forces en présence autour de la table. De quoi irriter les autres organisations. "C'est une façon de se compter", lâche François Asselin.
La CGPME dénonce aussi les conséquences sur les entreprises possédant une double affiliation. En effet, certaines fédérations peuvent adhérer simultanément à l'UPA ou à la CGPME. "Il y en a plusieurs comme les experts comptables ou les géomètres qui risquent de se retrouver ainsi automatiquement affiliées auprès de l'UPA alors qu'elles ne le souhaitent pas forcément", regrette François Asselin.
De quoi relancer la guerre du patronat
Ce conflit illustre les tensions qui traversent les organisations patronales françaises. Le projet de réforme de la représentativité patronale amorcée par le gouvernement depuis 2014 a relancé les hostilités. Furieuse du projet de refonte du mode de calcul, qui à ses yeux favorisaient les grandes entreprises et le Medef, l'UPA avait même claqué la porte des négociations sur l'assurance chômage en signe de protestation. Les organisations avaient fini par trouver un accord qui semblait contenter tout le monde. Ce nouveau coup de théâtre qu'est l'arrivée de l'U2P dans le débat pourrait changer la donne.
"Il est évident que cette alliance va rebattre les cartes, avance-t-on au sein de l'UPA. Nous espérons ainsi pouvoir peser davantage pour les PME et les TPE. Il y a un monde entre une entreprise de 250 salariés et une TPE composée d'un professionnel indépendant. Et les décisions ont trop favorisé les grandes entreprises."
D'autant que dans le communiqué qui acte la naissance de l'U2P, celle-ci se revendique comme la "première force patronale du pays avec 2,3 millions d'entreprises".
La guerre du patronat aura peut-être lieu...
Sourcing: Entreprise RH / Management Droit du travail - (afp.com/KENZO TRIBOUILLARD) In L'express, l'Entreprise
Par Tiphaine Thuillier,